in a first time.

« Dis maman, tu vivais ici quand t'étais petite ? » Un regard pétillant se posa alors sur moi, tendit que cette magnifique tête brune m'adressait un large sourire. Qu'elle était belle ma fille... Certes, je n'étais pas des plus objective, mais cela m'importait peu. Elle demeurait pour moi la huitième merveille du monde, ma princesse adorée. La curiosité qui l'habitait depuis son plus jeune âge n'avait aucun mal à s'exprimer. Elle posait un grand nombre de questions, parfois bien farfelues. Ces derniers temps, mon passé semblait beaucoup l'intéresser. « Non, je vivais à Sidney, ma puce. - Sid-quoi ? » Elle grimaçait, me décrochant alors un léger éclat de rire. Je lui fis signe d'approcher, lui tendant la main pour qu'elle me suive dans le bureau. J'allais lui montrer sur le planisphère accroché au mur où se trouvait cette fameuse ville, qui avait été témoin de mes plus jeunes années. Je n'avais jamais réellement pris le temps de lui parler de mon histoire. Je répondais à ses questions, bien évidemment. Mais ça n'était jamais venu de moi. Je gardais sous clé mes souvenirs, de peur sans doute que les sentiments refassent surface et ne me blessent. Elle était encore jeune, insouciante, je doutais que cela ait réellement de l'importance pour elle. Bien qu'elle commençait sérieusement à me faire douter à force de m'interroger à ce sujet. « Tu vivais là-bas avec mamie et papy ? - Oui, avec eux. Comme toi, tu vis avec moi. - Oui mais... Mon papa à moi ? » Sans réellement le vouloir et m'en rendre compte, je m'étais instantanément refermée sur moi-même. Pourtant, j'aurais dû m'y préparer, le prévoir... C'était un sujet qui allait bien finir par tomber, c'était inévitable. Une enfant ne grandit pas sans son père, sans se poser des questions. Emma tirait sur ma tunique, cherchant à attirer mon attention. Elle avait bien sentit que j'étais ailleurs, refusant de penser à tout ça. Pourtant les souvenirs revenaient en cascade dans mon esprit. Rares n'étaient pas les fois où je me laissais aller, pensant à la vie que j'aurais pu avoir si je n'avais pas fait mes valises. Si je n'avais pas pris la fuite. Peut-être aurais-je eu une vie de famille heureuse... Peut-être aurais-je été malheureuse comme les pierres une fois que Joshua m'aurait laissé tomber. Je ne pouvais pas le savoir, et désormais je ne pouvais que m'en prendre à moi-même, assumer mes erreurs et affronter cette fillette en répondant à ses questions. Une lettre n'aurait jamais suffit à cette enfant. Pas comme lui...

FLASHBACK
Je fixais la feuille de papier, incapable de la glisser dans cette fichue enveloppe. Le faire revenait à prendre une réelle décision, et à m'y tenir. Ca me faisait un mal de chien. Lui dire au revoir de cette manière me déchirait le coeur. Mais je me connaissais. Me retrouver en face de lui aurait joué en ma défaveur. Il aurait trouvé les mots pour m'apaiser, me retenir et me mettre à ses pieds sans même s'en rendre compte. Je l'aimais tellement... Machinalement, je me mis à relire ce que je venais décrire, d'une voix tremblante, tout en adressant quelques regards à ma fille, endormie dans son couffin.

Cher Joshua,

C'est nul... Je suis tout simplement nulle pour ce genre de choses. Écrire une lettre, c'est tellement... lâche. Tu me connais, je suis franche, je dis les choses en face... Mais là, j'ai tellement peur. J'ai l'impression d'être en plein cauchemar, angoissée rien qu'en pensant que je suis déjà mère. Le doute m'étouffe, et je ne peux pas faire autrement. Si tu lis ces mots, c'est que tu es passé à la maison. Sans me voir, et je n'ose même pas imaginer l'expression sur ton visage lorsque tu as appris que j'étais partie. Avec Emma. Avec notre fille. Je pourrais te présenter toutes les excuses du monde, ça ne suffirait pas. Aujourd'hui je me montre égoïste, prenant cette décision seule, sans ton approbation. Mais crois-moi, je te rends service. Nous sommes bien trop jeunes pour assumer tout ça, tu ne peux pas mettre ta vie entre parenthèses. Je préfère assumer pour deux plutôt que de t'embarquer là-dedans. Au final, c'est ce qui se serait sans doute passé, non ? Je préfère m'en aller plutôt qu'avoir à supporter un abandon. Je n'ai jamais voulu te faire du mal, sache-le. Bien au contraire, je ne veux que ton bien. Je t'aime sincèrement, ne l'oublie pas. Sans doute trop. En tout cas, tu seras toujours à mes côtés, lorsque je poserais mon regard sur notre petite merveille. Le plus beau cadeau que tu ais pu me faire.

Tendrement,
Lucy.

Une larme roula sur ma joue, puis vint s'écraser sur le papier, tâchant alors mes derniers mots. Un "Je t'aime", presque illisible désormais. Il allait me détester, j'en étais sûre...
FIN FLASHBACK

« Coucou la compagnie ! » La voix de ma cousine me sortit aussitôt de mes pensées. Emma fonça tête baissée dans les bras de sa marraine, visiblement contente de la voir. Comme à son habitude d'ailleurs, mon petit rayon de soleil déposa un énorme bisou sur la joue de Brittany. « Tu connais Sid-truc, toi ? J'irais vivre là-bas un jour, pour devenir comme maman ! » Et piouf, elle se volatilisa, sans doute partie jouer un peu plus loin. Elle avait étonné sa marraine, cette dernière n'ayant pas suivit la conversation. « Sid-truc ? - Elle m'a encore posé des questions. Je lui ai parlé de Sidney. - Oh tu lui as raconté tes exploits de miss populaire et... » Je la dévisageai presque. Parler de quoi ? De mes exploits ? Super... L'adolescente que tout le monde montre du doigts parce qu'elle a un ventre bien rond et qu'elle a des envies de fraises en plein cours de littérature anglaise. Ça n'avait rien d'un exploit en soit. Je savais que ma cousine n'avait pas dit cela avec la volonté de me froisser. C'était une gaffe parmi tant d'autres. « Enfin... - Non, je ne lui ai pas parlé de Josh. - Il le faudra bien... - Merci, tu ne m'apprends rien ! » Je ne voulais pas m'emporter contre elle. Surtout pas. Elle m'avait toujours soutenue, même lorsque j'avais tenu tête à mes parents, refusant d'avorter. Moi, la pauvre petite fille unique, sans doute trop couvée par ses parents, j'avais eu la chance d'avoir une sœur de substitution au travers de ma petite cousine. Aujourd'hui encore elle m'aidait, me rendait service, et je lui rendais la pareille en lui offrant un toit sur cette île. Elle me gardait Emma, accomplissait quelques tâches ménagères, pendant que moi, j'allais bosser. Guide en forêt, j'avais beaucoup à faire avec ces nombreux touristes. Si bien, que j'avais parfois du mal à tout concilier. Brittany m'était d'une grande aide, et on pouvait se confier l'une à l'autre, sans craintes. « Tu revois le beau brun de l'autre soir ? - Pas de nouvelles... - Oh... Tu penses que... ? - Bien sûre. Prononce le mot « enfant » et ils disparaissent. - Ils ne sont pas tous comme ça, tu sais... - Oui, je sais. » Et j'en avais eu la preuve Lâchant un profond soupire, je passai ma main sur mon visage, replaçai une mèche de cheveux derrière mon oreille, et repartait travailler.

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