Je présume que ma mère avait raison lorsqu’elle m’a conseillée de venir ici. Il faut dire qu’en seulement cinq ans, il s’en était passé des choses...plus que je ne l’aurais jamais imaginé. Ma vie avait changée du tout au tout et je ne m’en plaignais pas. Si je n’avais pas eu cette occasion de carrière cinq ans plus tôt, je ne savais pas ce que je serais devenu. J’aurais certainement continué à penser à Lucy au point de devenir dépressif. Aujourd’hui encore, je pensais souvent à tout ça, je me revoyais à la porte de chez elle sous la pluie et mouillé jusqu’aux os. Ça avait bien du arranger sa mère, qu’elle soit partie comme ça. Elle avait certainement beaucoup aimée voir ma tête lorsqu’elle m’avait tendue cette lettre que Lucy m’avait laissée. Combien de fois est-ce que j’avais lu cette lettre ? Des millions de fois, au point que le papier soit complètement froissé. Pendant cinq ans, j’avais toujours gardé la lettre sur moi, pendant mes concerts elle restait dans mes affaires dans ma loge sinon elle était dans ma poche. Pathétique n’est-ce pas ? J’aimerais bien vous y voir… J’avais une fille, quelque part dans le monde et je ne savais pas où elle se trouvait ni comment elle allait. Je ne savais pas à quoi elle ressemblait : est-ce qu’elle avait la couleur de mes yeux ? Mon sourire ? J’avais vu Emma lorsqu’elle venait juste de naître, un enfant ça change et ça grandit tellement vite lors des premières années de sa vie…

Enfin, je n’étais pas venu sur Basley Island pour commencer à me monter la tête avec mon passé. Aujourd’hui, c’était le futur le plus important et surtout dans mon cas, je n’avais pas tellement envie de revenir en arrière en voyant toutes les crasses que j’avais eues. Oh, non, niveau carrière c’était vraiment le pied, j’avais sorti deux albums qui marchaient horriblement bien, j’avais fait des concerts dans le monde entier, j’avais des fans et pleins de paparazzis à mes trousses…le rêve, n’est-ce pas ? Par contre niveau cœur, c’était autre chose. A croire que c’était le prix à payer pour ma réussite dans le milieu de la musique… D’après ma mère, au fil du temps j’étais devenu prétentieux et arrogant. Elle me faisait vraiment rire, ma mère…comme si elle pouvait voir ce genre de choses de son petit appartement à Paris. Non, si elle n’avait pas lu toutes les unes de la presse à scandale, elle n’aurait pas voulu que je vienne ici. Je reconnais que j’ai déconnais, mais qu’est-ce que je pouvais faire ? Ma dernière petite amie m’avait trompé avec mon meilleur ami alors que nous étions en couple depuis deux ans…comment croire que l’amour puisse exister après ça et après le coup que Lucy m’avait fait ? Autant m’amuser et profiter de ma célébrité, non ? Surtout que depuis, l’inspiration était au niveau zéro, je n’arrivais à rien écrire…

C’était un Samedi après midi, ça faisait une semaine que j’étais arrivé sur l’île et je me sentais déjà tellement plus détendu. Ici, les gens respectaient mon intimité et je n’avais pas une horde de filles à mes trousses dès que je mettais le pied dehors même si j’attirais tous les regards sur mon passage mais ça, j’avais l’habitude et j’y avais même pris goût. Le temps était assez nuageux aujourd’hui et je n’avais pas trop envie d’aller à la plage : le week-end, tous les étudiants y étaient et je n’avais pas trop envie de me faire remarquer aujourd’hui. Je continuais à défaire ma valise, le placard à vêtement de ma suite à l’hôtel était milles fois trop grande pour le peu d’affaires que j’avais pris. Une fois ma valise complètement vidée, je me suis rendu compte que je n’avais pas pris mes albums et c’était en écoutant ceux-ci qu’il m’arrivait de trouver des idées de chansons… J’allais alors à l’accueil où on me précisa qu’il y avait une boutique de musique dans le centre ville alors sans plus attendre, je me mis en route vers celle-ci. L’hôtel était au Nord de l’île et pour éviter à prendre les transports en commun, je suis allé à pied jusque là bas. Moi qui vivais à Londres depuis deux ans, le changement de climat était vraiment radical.

Il y avait pas mal de monde dans le centre ville, les gens profitaient qu’il fasse beaucoup moins chaud pour se balader dehors parce que parfois, le temps était vraiment insupportable. J’avais mis mes lunettes de soleil pour être moins reconnaissable, je voulais juste être tranquille aujourd’hui… Le vendeur à la caisse me salua lorsque j’entrais dans la boutique de musique. Il y avait d’immenses allées avec uniquement des CDs, rangés par ordre alphabétique et par genre. Je me dirigeais instinctivement vers le rayon où se trouvaient les albums des Beatles. Un sourire se dessina sur mon visage en voyant de loin les deux albums que j’avais sorti, j’étais tellement fière de vendre ma musique et que tant de personnes l’aiment… Je continuais à avancer sans vraiment regarder devant moi, sentant les regards se poser sur moi autour quand je bousculai quelqu’un face à moi. Je soupirais en baissant le regard vers la jeune femme qui avait atterris à terre. « Vous ne pouvez pas faire attention ? », lançais-je en lui tendant ma main en soupirant une seconde fois pour aider la jeune femme à se relever. Je sentis mon cœur louper un battement en voyant son visage se relever vers moi…

Impossible.
Je dois bien reconnaître que je ne l’avais pas cherché, pendant ses cinq années, mais à quoi cela aurait-il bien servit ? Elle était partie, ça voulait tout dire, n’est-ce pas ? Et puis, à ce moment là nous étions séparés, elle n’avait aucun devoir envers moi, même si elle avait brisée la promesse que je serais présent dans la vie de notre fille. Mais malgré tout ça, malgré notre rupture quelques mois avant la venue de notre fille…je l’avais toujours aimé et j’avais toujours cru que nous finirions par nous remettre ensemble une fois qu’elle aurait accouchée…qu’est-ce que j’avais été bête, naïf… une fille comme Lucy n’avait jamais rien eu à faire avec un garçon comme moi. C’est bête, mais à chaque fois que je repensais à cette histoire, j’arrivais à lui trouver des excuses… Elle avait eu peur que je ne tienne pas mes promesses alors elle n’avait pas tenue les siennes ? Ca n’était pas logique pourtant. A chaque fois que j’en parlais avec ma mère, et qu’elle me demandait si je lui en voulais, je n’arrivais jamais à répondre à cette question. Une part de moi était vraiment très en colère contre elle, cette part de moi avait envie de la détestait mais je n’y arrivais pas…pourtant au départ, c’était vraiment le sentiment que j’avais. C’est drôle, comment on peut passer de l’amour à la haine...mais je présume qu’en vieillissant, on change ses idées, on prend du recul. Je ne dirais pas que je lui ai pardonné, mais je n’arrivais pas à trop lui en vouloir. Peut-être était-ce parce que ça faisait cinq ans que je n’avais pas eu de nouvelles. Rien, pas un coup de fil, même pas un mot… Pourtant, en faisant mes tournées dans le monde entier, j’avais tant espérer l’apercevoir un jour dans le public, mais elle n’était jamais là, dans aucun des pays que j’avais visité et pourtant, j’en avais visité pas mal pour mes concerts… Alors si même pendant cinq ans je n’avais pas eu de nouvelles, ça n’était pas pour ça que je ne pensais pas à elle. Tous les jours, je me demandais où elle était, ce qu’elle faisait et surtout, je me demandais si elle regrettait d’être partie comme ça…

« La politesse, c'était en option à votre naissance ? » J’avais l’impression que le monde entier c’était arrêté de tourner autour de moi. J’avais l’impression de m’enfoncer dans le sol, que mon cœur battait tellement fort qu’il allait s’arracher de ma poitrine pour partir en courant. C’était…impossible, j’avais fait été dans tellement de villes, tellement de pays, et aujourd’hui je croisais Lucy alors que je ne le cherchais même pas, alors que je ne m’y attendais même pas ? Lucy…si seulement tu savais combien de fois j’ai répété devant un miroir pour savoir ce que je te dirais le jour où je recroiserais ta route. Tellement de choses, tellement de discours qui étaient à chaque fois tellement différents…Mais bizarrement, maintenant que je suis devant toi, je ne sais même pas quoi dire, j’ai complètement oublié tout ce que j’avais répété devant mon miroir pendant des années… Je déglutis en reculant ma main puisqu’elle n’avait pas vraiment l’air de vouloir la prendre pour se redresser. « Non, je ne pouvais pas faire attention. », annonça-t-elle en baissant la tête. Je soupirais, si je le pouvais j’aurais fait demi tour et je me serais enfuis en hurlant, le plus loin possible d’ici. Je me sentais ridicule, vraiment ridicule… Je ne savais pas quoi dire, pas quoi faire. J’avais juste l’impression que l’ancien Josh revenait et reprenait surface, comme si toute ma fierté et la confiance en moi que j’avais acquéri pendant ses cinq ans s’étaient envolés en quelques secondes dès l’instant où elle avait posée son regard sur moi. Je me sentais vulnérable et ça me faisait peur parce que je ne savais pas comment tout ça allait évoluer, je savais uniquement que ça allait changer ma vie.

Je passais ma langue entre les lèvres, j’avais la gorge toute sèche et je me sentais vraiment…nerveux. Surtout vu la manière dont elle évitait mon regard, comme si elle était honteuse. Elle fuyait encore, ça me rendait malade qu’elle…fuit encore. Je baissais la tête à mon tour et je me baissais pour ramasser son sac qu’elle avait laissé tomber à terre. Je lui tendais sans rien dire, « Qu’est-ce que tu fais là ? », murmurais-je d’une voix tremblante. Je fronçais les sourcils en passant mes mains sur mon visage, je n’arrivais pas y croire. Est-ce que j’étais en train de rêver ? Cette question que je venais de lui poser…elle était tellement stupide ! Joshua, réveille toi, elle est là parce qu’elle vit ici ou alors elle est en vacances ici ! Mais elle est là alors fait pas le con ! Je regardais autour de nous et derrière elle en espérant voir Emma, mais elle n’avait pas l’air d’être ici. « Emma…où est Emma ? », demandais-je en relevant le regard vers elle. J’avais tellement de choses que j’aurais aimé savoir sur elle : à quoi ressemblait-elle ? Qu’aimait-elle ? Quel avait été son premier mot ? J’avais raté tellement de choses..

J’avais peur…tellement peur…Il m’avait fallut peu de chose pour que je tombe amoureux de lycée au lycée…en même temps, comment ne pas succomber à son charme ? La jeune fille à l’époque avait vraiment tout pour plaire…la popularité, le physique…enfin, quel garçon n’aurait pas pu tomber amoureux d’elle, franchement ? Je m’en rappelais comme si c’était hier, son sourire, il me faisait toujours fondre et ses longs cheveux bruns, qu’est-ce que j’aimais replacer sa longue mèche de cheveux derrière son oreille, la regarder dormir le soir…tellement de souvenirs, j’avais vraiment tout fait pendant cinq ans pour les chasser de mon esprit, ne pas y penser même si c’est difficile. Et en quelques secondes, tout revenait à la surface, j’étais submergé par une tonne de sentiments, je me sentais comme prit au piège, je ne savais pas quoi faire, quoi dire. C’est vrai…qu’est-ce qu’on est censé dire à ce moment là ? J’étais juste bouche bée, jamais, ô non jamais je n’aurais pensé la revoir un jour et encore moins sur cette île…est-ce qu’elle était ici depuis le début ? Si oui, je m’en voulais de ne jamais être venu faire des concerts ici avant même si il y avait peu de chance pour que je la compte parmi les spectateurs : c’est vrai, si elle était partie, c’était pour ne plus me voir, n’est-ce pas ? Cette lettre qu’elle m’avait laissée, je l’avais lu tellement de fois, mais à chaque fois je me demandais si je devais croire ce qu’elle me disait. J’avais eu juste l’impression que tout ce que nous avions vécu n’était qu’un mensonge. Que chaque mot, chaque geste n’avait pas compté ou alors, ça n’avait pas compté assez pour qu’elle reste, pour que nous formions la famille dont nous avions tellement parlé pendant sa grossesse…

Et là, elle était ici, devant moi. Je me demandais encore si je n’étais pas en train de rêver, si c’était le cas j’aurais eu envie de me réveiller maintenant avant que ça ne fasse trop mal. De la voir, ça avait ouvert des blessures que je pensais cicatrisées, à cet instant même je pouvais constater que c’était loin d’être le cas. Qu’est-ce que j’avais été idiot…comment oublier un truc pareil, hein ? C’était impossible. Le plus miraculeux, c’était que les médias n’avaient jamais connu cette histoire…ces gens là cherchent tout le temps à connaître des détails croustillants du passé des gens connus. S’il y a bien une chose pour laquelle je pouvais être redevable envers elle, c’était qu’elle n’avait pas reprit le contact en voyant que j’étais connu. Beaucoup de personnes reviennent dans ces moments là, croyez-moi… Mais maintenant que je savais qu’elle et ma fille étaient là, je savais que je resterais plus longtemps que prévu.

Après la peur, le doute. Est-ce que je devais vraiment rester ici ? Lucy ne voudrait peut-être pas que je vois Emma…à tous les coups, la jeune femme avait un nouveau compagnon et Emma l’appelait papa. Ce détail, j’y avais tellement souvent pensé et ça me rendait juste malade : il y a quelques années, je vous aurez bien dit que Lucy ne ferait jamais ça mais aujourd’hui, je n’étais plus sur de rien. Et à quoi bon rencontrer ma fille ? D’ici un mois ou deux, je serais parti et je recommencerais ma vie d’avant c'est-à-dire : dodo, studios, scène, interviews, dodo, studios, scène, interviews…et ça, à l’autre bout du monde. La séparation n’en serait que plus douloureuse, autant ne pas la connaître, autant qu’elle ne sache pas quel raté j’étais…oui parce que j’avais peut-être réussis dans la musique, j’avais peut-être réalisé mon rêve, mais à côté de ça, à côté de « Joshua la superstar », qui étais-je ? Moi-même je ne le savais pas, je ne le savais plus…Et si…et si je n’étais pas celui qu’elle avait imaginé ? Et si elle ne m’aimait pas et qu’elle ne voulait plus me revoir après notre rencontre ? Je savais à quel point ça me ferait mal et j’avais tellement peur d’avoir mal encore une fois, j’en avais marre d’avoir mal, c’était trop douloureux…

« Toi, qu'est-ce que tu fais là ? »,demanda-t-elle d’un coup. J’haussais les épaules, elle ne devait vraiment pas s’y attendre à celle là… c’était assez stupide, avec la réputation qu’avait cet île, beaucoup de gens célèbres et influant venaient ici, surtout que l’hôtel était vraiment génial, le paysage magnifique et il y avait un cinéma et une salle de concert pour accueillir des artistes connus. Ne s’était-elle vraiment pas attendue à me voir ici un jour ? A moins que ce jour là, elle avait prévu de se barricader dans sa maison avec NOTRE fille pour éviter que je ne les croise… Je soupirais en jouant nerveusement avec les doigts de mes deux mains, « Je suis…en vacances on va dire… », murmurais-je. Tu parles de vacances ! J’étais ici pour me reposer mais en même temps, les studios me foutaient une pression monstre pour que leur sorte une nouvelle maquette de chansons pour mon prochain album. Malheureusement pour eux, l’inspiration n’était vraiment pas au rendez-vous-même si cette rencontre risquerait de me donner quelques idées lorsque je rentrerais dans ma chambre d’hôtel..

« Elle n'est pas avec moi. Mais avec sa marraine. », annonça-t-elle. Je sentais mon cœur s’emballer, dans un sens j’étais content mais pas de l’autre. J’avais tellement rêvé de ce moment, de cette rencontre mais j’avais tellement peur…Je ne savais même pas si je serais un bon père après tout, je ne l’avais jamais vraiment été puisque ma fille n’était pas là. Si seulement j’avais eu au moins une adresse où lui écrire, où envoyer des cadeaux de Noël, d’anniversaire pour montrer à Emma qu’elle avait un père et qu’il pensait à elle, pouvoir au moins lui dire que je l’aimais même si je n’étais pas là…à tous les coups, elle allait croire que je ne l’aimais pas et que c’était pour ça, croire même peut-être que je l’avais abandonnée elle et sa mère, passer pour le méchant de l’histoire. Je ne répondis pas à ce qu’elle venait de m’annoncer, je me contentais de baisser la tête pour éviter son regard. Parce que oui, j’avais un peu peur de retomber amoureux d’elle…je l’aimais tellement quand elle est partie, j’étais sur qu’il ne suffirait que d’un sourire de sa part pour que je retombe dans le piège de l’amour. L’amour…quelle merde quand on y pense. Je m’étais promis de ne plus jamais retomber dans ce piège, et encore moins avec Lucy, je n’étais pas sur que je pourrais lui refaire confiance après tout ça. L’amour rend aveugle, n’est-ce pas ? C’est se qui me faisait peur, je pense.

Je soupirais, je me sentais de plus en plus nerveux puisque je ne savais absolument pas quoi lui dire. Est-ce que je devais lui dire que je voulais voir ma fille maintenant, que je l’exigeais parce que j’étais son père et que c’était mon droit ? Je n’étais pas sur d’être prêt à la rencontrer maintenant mais j’en avais tellement envie d’un autre côté... « Jamais je n'aurais cru te voir ici... ». Je me pinçais la lèvre en remontant mon regard vers la jolie brune. Elle n’avait pas tellement changé, mis à part le fait qu’elle était une femme maintenant mais elle était toujours aussi belle. J’haussais les épaules en continuant de jouer nerveusement avec mes pouces… Mon Dieu personne n’avait réussis à me mettre autant mal à l’aise depuis bien longtemps, comment elle faisait ça ? « Moi non plus… », soupirais-je. « Tu…tu vis ici depuis longtemps où…vous êtes juste en vacances Emma et toi.. ? – je m’arrêtais quelques secondes, j’étais un peu hésitant sur ce que j’allais demander – est-ce que…tu aurais une photo d’elle ? »